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Vers une diminution de l’information des associés dans les PME ? Partie 1

29 octobre 2018 - Samuel Schmidt

PARTIE 1 : La Suppression Du Rapport De Gestion Dans Les PME

Dans le cadre des nombreuses modifications apportées ou qui seront prochainement apportées par le législateur au droit des sociétés, deux mesures consacrées aux PME doivent à notre sens attirer plus particulièrement l’attention des praticiens.

Elles ont pour trait commun de concerner toutes deux le degré et la qualité d’information communiquée aux associés.

La plus visible et la plus discutée de ces deux mesure consiste dans la suppression de l’obligation de nomination d’un commissaire aux comptes dans les petites et moyennes entreprises (PME). Cette suppression est prévue par la loi PACTE, adoptée en première lecture le 9 octobre dernier par l’assemblée nationale. Nous l’analyserons dans un second article à venir.

La seconde mesure est restée plus confidentielle mais est loin d’être négligeable car elle consiste en la suppression d’un des piliers historiques de l’information due aux actionnaires par le dirigeant : à savoir le rapport de gestion annuel. Cette suppression a été actée dans le cadre de la loi du 10 août 2018 pour un état au service d’une société de confiance (loi n°2018-727).

Les motivations des deux textes sont similaires : alléger le formalisme pesant sur les PME en partant de l’idée de confiance dans les parties prenantes.

Ces deux réformes vont paradoxalement à l’encontre des grands principes de ce que l’on appelle la « corporate gouvernance », puissant courant international et français qui vise depuis de longues années à rééquilibrer les pouvoirs entre les dirigeants et les associés en faveur de ces derniers.

I. La suppression de l’obligation pour les petites et moyennes entreprises (PME) d’établir un rapport de gestion

Le droit à l’information sur la situation de la société est un droit fondamental des associés, en ce qu’ils lui permettent de prendre des décisions en connaissance de cause que ce soit, par exemple, la décision d’approbation des comptes ou la décision de céder ses titres.

Une des manifestations essentielles de ce droit à l’information consistait classiquement en une obligation pour le mandataire social de rédiger, avant chaque assemblée d’approbation des comptes, un rapport de gestion. Ce rapport de gestion a notamment pour objet d’informer les associés de la situation de la société au cours de l’exercice écoulé, de son évolution prévisible et des événements importants survenus depuis la date de la clôture de l’exercice (article L. 232-1 du Code de commerce).

L’article L. 225-100-1 du même code détaille son contenu, qui comprend notamment, pour les sociétés anonymes :

– une analyse objective et exhaustive de l’évolution des affaires, des résultats et de la situation financière de la société, notamment de sa situation d’endettement, au regard du volume et de la complexité des affaires ;

– des indicateurs clefs de performance de nature financière, dans la mesure nécessaire à la compréhension de l’évolution des affaires des résultats ou de la situation de la société ;

– une description des principaux risques et incertitudes auxquels la société est confrontée.

Le non-respect de cette obligation est sanctionné par une amende de 9 000 euros, prévue aux articles L. 241-4 du code de commerce pour les sociétés à responsabilité limitée et L. 242-8 du même code pour les sociétés anonymes.

En principe, les dirigeants ont l’obligation d’établir un tel rapport dans toutes les sociétés et de le soumettre aux associés, sauf exception prévue par la loi.

Jusqu’à présent, en droit français, l’exception ne concernait que les sociétés unipersonnelles (EURL et SASU). Elles n’étaient plus soumises à l’obligation d’établir un rapport de gestion si elles ne dépassaient pas certains seuils et si l’associé unique personne physique était le gérant ou le président.

Aujourd’hui, la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance dispense toutes les sociétés commerciales, quelle que soit leur forme, de l’obligation d’établir un rapport de gestion à la clôture de chaque exercice, qualifiées de petites et moyennes entreprises (PME) selon l’article L.232-1 du code de commerce. Cette dispense est entrée en vigueur pour les exercices clos à compter du 11 août 2018.

À cet égard, la catégorie des petites et moyennes entreprises (PME) est définie par l’article L.123-16 du code de commerce. Il s’agit des sociétés qui ne dépassent pas à la clôture d’un exercice, deux des trois seuils suivants devant être appréciés au regard de l’article D.123-200, 2°, alinéa 4 du code de commerce :
– Un total du bilan de 4 millions d’euros ;
– Un montant net du chiffre d’affaires de 8 millions d’euros ;
– Un nombre moyen de salariés au cours de l’exercice de 50 salariés ;

Toutefois, toutes les petites et moyennes entreprises (PME) ne peuvent bénéficier de cette exemption, dont les sociétés cotées, les établissements financiers, les entreprises d’assurance et de réassurance, les fonds et institutions de retraite professionnelle supplémentaire, les mutuelles ou unions mutualistes, les sociétés faisant appel à la générosité publique et celles dont l’activité consiste à gérer des titres de participation ou des valeurs mobilières.

II. Analyse de la portée de cette suppression du rapport de gestion

Cette suppression de l’obligation pour les PME d’établir un rapport de gestion soulève des interrogations, notamment sur la préservation du droit à l’information des associés.

L’allégement des obligations de communication est relativement logique dans le cadre des sociétés unipersonnelles (avec un seul associé).

Il est plus discutable en ce qui concerne les sociétés pluripersonnelles, notamment vis-à-vis des associés minoritaires.

Sa suppression n’a pourtant fait l’objet d’aucune objection ni par le Conseil d’état qui constate que cette suppression qui tend à « aligner le droit national sur les exigences découlant strictement des directives ou des règlements européens, ne soulèvent pas d’objections d’ordre constitutionnel ou conventionnel » ni par les députés.

Un des rapporteur du texte (Rapport n°329, en date du 22 février 2018), notait ainsi pour sa part, que « si dans les grandes entreprises, le rapport de gestion constitue un élément important de l’information des parties prenantes et notamment des actionnaires ou des investisseurs, cet exercice se révèle relativement lourd et inutile dans les petites entreprises, puisque les données pertinentes pour l’information des actionnaires et des tiers pourvoyeurs de fonds, présentes dans le rapport de gestion, se trouvent également dans les documents comptables, plus faciles d’accès que dans les sociétés de taille plus importante ».

Il note enfin que « l’ensemble des organisations représentant les entreprises entendues par votre rapporteur a, d’ailleurs, salué cette suppression ».

Ces analyses nous semblent discutables car superficielles.

En effet, même s’il constitue sans doute un outil imparfait d’accès à l’information (par son caractère formaliste), le rapport de gestion constituait sans nul doute un des moyens pour les associés, minoritaires notamment, de comprendre la réalité économique sous-jacente aux montants bruts figurants dans les comptes annuels.

A titre d’exemple, mentionner la prise de contrôle d’une société dans le rapport de gestion permet par exemple d’expliquer rapidement un endettement accru ou une modification stratégique que les seuls documents purement comptables ne permettent pas de comprendre.

Le rapport de gestion constituait ainsi une source importante de récolte d’information pour les auditeurs dans les audits juridiques pré-acquisitions de PME.

Il permettait également au dirigeant d’expliquer de façon officielle ses choix de gestion et ses éventuelles difficultés.

Il reste que nombre de statuts prévoient encore la nécessité pour le mandataire social d’établir et de communiqué aux associés un rapport de gestion avant la tenue d’une assemblée. Il nous semble que ces dispositions statutaires demeurent applicables, sous réserve que cette obligation ne découle pas expressément d’une simple référence aux dispositions légales.

A titre de recommandation pratique, il est possible, à notre sens, de prévoir dans les sociétés déliées de l’obligation légale d’établir un rapport de gestion une obligation statutaire d’établir un rapport de gestion allégée permettant d’expliquer succinctement l’évolution des comptes annuels. A défaut d’une telle obligation statutaire, rien n’empêche le dirigeant, s’il a une annonce ou une information importante à communiquer officiellement aux associés préalablement à la tenue de l’assemblée générale d’approbation des comptes, d’établir volontairement un rapport sur ces sujets. A défaut d’établir un tel rapport, il sera également possible pour le dirigeant de procéder à une explication des comptes annuels en introduction de l’assemblée générale ordinaire d’approbation des comptes (avec reprise de ces explications dans le procès-verbal de l’assemblée).

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